Marché du travail
Travail Sans Frontières (TSF) accompagne depuis 17 ans les hommes dans leur réinsertion sociale et professionnelle avec le programme Mutation vers l’emploi. À travers nos interventions, nous avons pu constater combien il est délicat pour les hommes que nous accompagnons dans ce volet d’entamer de nouvelles démarches, et ce, autant au niveau psychosocial que professionnel. Cela nous amène à faire quelques constats pratiques. Tous les parcours des hommes que nous accompagnons sont uniques en soi et le succès n’est pas toujours immédiat (par exemple obtenir un nouvel emploi), mais contacter une ressource d’aide dans un premier temps est une victoire en soi.
De notre expérience, nous remarquons que les hommes ont tendance à être isolés. Les causes sont variées et dépendent aussi bien des situations que des milieux de vie : épuisement professionnel, problèmes de santé physique et mentale, raisons personnelles, etc. Certains sont pris dans un véritable tourbillon : une vie professionnelle qui s’écroule et qui entraîne des bouleversements dans l’environnement familial. Pour d’autres, l’équilibre familial fragile cause une instabilité émotionnelle qui peut mener à la perte d’emploi. L’effet domino est lancé. Pour un bon nombre de personnes que nous rencontrons au quotidien, l’écart est extrême entre la vie stable d’avant et celle d’aujourd’hui. Beaucoup qualifient ce moment de vie comme une perte de repères.
Pour bien des hommes, il est délicat de partager leur situation personnelle et de trouver des ressources pour les accompagner. Même si celles-ci existent, prendre le téléphone pour les appeler demande beaucoup de courage et les hommes ont tendance à vouloir une réponse immédiate. Il y a encore quatre mois, lors d’une rencontre avec le Regroupement des Organismes pour Hommes de l’Île de Montréal (ROHIM), une information a retenu toute notre attention : en moyenne, un homme sur deux qui trouve la force de prendre son téléphone pour prendre contact avec une ressource ou un organisme d’aide ne le ferait pas une deuxième fois s’il tombait sur une boîte vocale.
Pour une partie des hommes, et plus précisément les 45 ans et plus, on remarque l’importance de l’image de l’homme fort en contrôle. L’ego, mêlé avec le paraître et le regard des autres, prennent beaucoup de place. Il n’est pas rare que nous rencontrions des hommes qui semblent aller très bien alors que c’est loin d’être le cas. La volonté de s’en sortir seul les pousse souvent à toucher le fond du baril avant de nommer leurs besoins. Par ailleurs, la question de la santé mentale, entre autres, reste encore taboue; beaucoup d’hommes ont pris l’habitude de jouer un rôle auprès de leur entourage. Reconnaître ses besoins et les nommer n’est pas facile, mais peut être une nécessité.
Pour notre programme préparatoire à l’emploi, qui accueille exclusivement les hommes, il n’est pas aisé de rejoindre les clients qui ont besoin de nos services. La plupart de nos participants nous sont référés par Emploi Québec, dû à la précarité de leur situation, ou lorsqu’ils font une demande d’aide de dernier recours. Faire face à des peurs qu’on ne voulait pas affronter, les confronter et les surmonter, retrouver une place dans un groupe et partager des moments de vie avec d’autres personnes, pouvoir parler sans être jugé avec un groupe ou des intervenants, reprendre confiance en soi et se mobiliser pour des projets professionnels et personnels constituent les premières étapes pour briser l’isolement et réussir son intégration sociale et professionnelle.