J’ai un trouble de santé mentale, dois-je en parler pendant ma recherche d’emploi?

Recherche d'emploi

« Je suis dyslexique et j’ai un TDAH. J’ai bien de la difficulté à rester concentré, je suis un peu impulsif et il m’arrive souvent de faire quelques fautes d’orthographe et de syntaxe lorsque j’écris. »

Tu dois te dire quelle drôle d’entrée en matière, il ne parle même pas de santé mentale… Et tu as bien raison! Cet énoncé est sans lien avec le titre de l’article, sans préambule et ne fournit aucune explication. C’est exactement ce qu’il faut éviter avec la présentation de sa situation de handicap durant le processus de recherche et de maintien en emploi.

Maintenant que j’ai mentionné ce qu’il ne fallait pas faire, je vais pouvoir expliquer un peu plus ce que provoque ce genre de dévoilement et l’impact que peut avoir le fait de cacher son problème de santé mentale lors d’une recherche d’emploi.

Un sujet complexe et qui est bien plus souvent gris que blanc ou noir.

Pense aux émotions que tu as vécues en lisant les deux premières lignes de ce texte. As-tu été choqué ou surpris? As-tu eu envie d’arrêter la lecture? En débutant ainsi, sans introduction ni mise en contexte, je n’ai pas vraiment contrôlé l’interprétation que tu ferais de mon diagnostic. Comme si ce n’était pas assez, j’ai mis l’accent sur les aspects négatifs de mon handicap sans aucun lien avec le poste visé (ou ici le thème du texte).

Tu me diras que la dyslexie et le TDAH sont beaucoup médiatisés, qu’il y a eu beaucoup de travail fait pour sensibiliser le public à ces diagnostics. Tu as raison. C’est un peu comme avec la dépression, ce diagnostic est bien connu grâce à des campagnes de sensibilisation gouvernementales et d’autres initiatives comme Bell Cause pour la cause. Cette sensibilisation de masse est la bienvenue.

Cependant, lorsque tu es en recherche d’emploi, tu ne connais pas les perceptions du recruteur, ni même les préjugés qu’il peut avoir. Peut-être a-t-il vécu une expérience négative avec un ex-employé qui avait ce diagnostic? Tu ne sais pas non plus si le recruteur a un proche qui vit avec des troubles de santé mentale et qui pourrait l’amener à être plus sensible à ta situation.

De plus, la problématique des troubles de santé mentale, comme tout autre handicap, est encadrée par la Charte des droits et libertés. Selon cette charte, il est interdit de poser des questions en lien avec la santé mentale, car cela peut être source de discrimination à l’emploi, ce qui est illégal. Cela risque donc d’amener un certain malaise pour l’employeur, qui ne sait pas forcément comment aborder le sujet.

Maintenant que tu sais que parler de sa santé mentale est risqué, est-ce que tu souhaites toujours le faire? Si ton diagnostic ou certains comportements qui y sont associés peuvent avoir un impact au travail, alors il peut être important d’aborder le sujet. Si oui, comment?

Il est important de bien préparer ce que tu souhaites dévoiler pour éviter de te nuire

Une bonne manière de se préparer à aborder le sujet est de rédiger un plan de « gestion des informations personnelles ». Pour y arriver, je te propose de te poser cinq questions :

  1. Qui? À qui devrais-je en parler?
    Dois-je en parler à mon supérieur, aux ressources humaines, à tout le monde ou ne pas en parler?
  2. Quoi? Qu’est-ce que je dis?
    Quelle partie de mon diagnostic dois-je mentionner? Est-ce nécessaire de tout dévoiler?
  3. Quand? À quel moment durant le processus de recherche ou de maintien en emploi dois-je en parler?
    Dois-je en parler dans la lettre de motivation, dans le CV, après l’embauche ou à la fin de la probation?
  4. Comment? Comment dois-je le formuler?
    Est-ce que je parle seulement de mon diagnostic?
    Est-ce que j’ajoute une explication? Est-ce que je présente les difficultés que je pourrais vivre? Dois-je expliquer mon diagnostic et comment je le vis?
  5. Pourquoi? Pourquoi dois-je en parler?
    Dois-je expliquer ma longue absence sur le marché du travail? Dois-je en parler pour avoir accès à des subventions salariales? Est-ce qu’il y a un lien avec l’emploi? Ai-je besoin d’accommodement relié à ma situation?

Avec un tel plan, tu t’assures de te préparer aux questions qui peuvent être posées lors de l’entrevue ou en emploi. Tu prépares aussi l’employeur à mieux comprendre ta situation et cela peut te permettre d’établir les bases d’une collaboration employé-employeur pouvant favoriser un maintien en emploi durable. Pour cela, il est important de bien te connaître.

En tant que conseiller en emploi chez Accès-Cible SMT, j’accompagne des personnes dans la rédaction de leur curriculum vitae (CV) ainsi que leurs lettres de présentation et ma dyslexie pouvait avoir un impact sur mon travail. Comme la santé mentale (p. ex. schizophrénie et dépression), c’est un handicap invisible. Je n’ai donc pas vraiment eu le choix d’aborder mon diagnostic lors de mes entrevues.  J’ai abordé le sujet en expliquant à l’employeur que je ne rédigerai certainement pas des CV et des lettres de motivation exempts de fautes d’orthographe et de syntaxe. Toutefois, je vais être en mesure d’analyser et trouver des manières créatives de présenter l’expérience d’une personne n’ayant pas travaillé depuis longtemps. Je vais aussi le mentionner à la personne que j’accompagne et au besoin, je la réfère à une intervenante qui sera en mesure de déceler les fautes mieux que moi.

Tu veux en savoir plus sur le dévoilement de sa santé mentale? Tu peux consulter le mini guide d’accompagnement de l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale.

Dominique Vincelli, conseillère en ressources humaines, m’a souvent dit que « l’important, c’est de s’approprier son histoire ». Et toi, quelle est ton histoire? Comment comptes-tu la présenter? Pour t’accompagner, je te propose de consulter un professionnel du développement de carrière dans un centre-conseil en emploi qui saura t’écouter, t’aider à développer une meilleure connaissance de soi et te soutenir dans ton processus de recherche et de maintien en emploi.

Référence

Corbière, M., Villotti, P., Toth, K., et Waghorn, G. (2014). La divulgation du trouble mental et les mesures d’accommodements de travail : Deux facteurs du maintien en emploi des personnes aux prises avec un trouble mental grave. L’Encéphale, 40(S2), 91-102.