Quand le changement passe par la formation

Témoignage

La pénurie de main-d’œuvre est omniprésente, tous les secteurs font des pieds et des mains pour recruter et s’en sortir. L’industrie de la construction, dont les besoins de relève sont d’environ 8 000 nouvelles personnes par année, ne fait pas exception. C’est donc collectivement, en mobilisant tous les joueurs de l’industrie, qu’a été créé le Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction (PAEF) 2015-2024.

L’objectif du PAEF était d’atteindre 3 % de femmes dans la construction en 2018. Ce but demeure, encore à ce jour, à atteindre. Le programme se décline en trois orientations majeures. La première phase est de soutenir le parcours des femmes dont un axe porte sur l’accès à la formation en favorisant la diplomation de celles-ci. C’est dans cette optique que le Centre de services scolaire des Hautes-Rivières et son École Professionnelle des Métiers (EPM) ont mis sur pied le programme « Femmes branchées » à Saint-Jean-sur-Richelieu.

Femmes branchées

Jenifer St-Hilaire, également électricienne et ancienne étudiante de l’EPM, nous dit :

« Je suis diplômée d’ici et j’en suis à ma 9e année d’enseignement. Par contre, c’est la première cohorte où j’enseigne qu’à des filles. La construction, ce n’est pas un domaine facile; en tant que femmes, nous sommes cataloguées en partant. Personnellement, j’adorais travailler sur les chantiers, mais j’ai décidé d’enseigner, car je crois que ça me permet de faire changer davantage les choses, de préparer les filles à la réalité d’un chantier et à les outiller pour y faire face. En tant que femmes, il faut encore plus prouver, à soi et surtout aux autres, qu’on a les compétences pour travailler dans ce domaine. »

COFFRE, centre-conseil en emploi

Le COFFRE, Centre d’Orientation et de Formation pour Femmes en Recherche d’Emploi, fait partie des partenaires qui s’impliquent auprès de la cohorte. Caroline Lessard, conseillère d’orientation au COFFRE, explique :

« Mon rôle est de soutenir les élèves dans leur parcours scolaire, les préparer aux obstacles à venir, aux conflits qu’elles auront à vivre dans ce secteur où elles sont minoritaires. Nous aborderons aussi la conciliation travail-famille, car les chantiers, ça débute tôt le matin et le stress que ça occasionnera sur leur vie personnelle. Nous parlons des statistiques, des études et des réalités de la construction tout en montrant où aller chercher les outils qui existent pour se maintenir en emploi. La réalité est là : 55 % des femmes abandonnent après cinq ans sur le marché par rapport à 35 % chez les hommes. »

Mais pourquoi avoir créé une cohorte composée exclusivement de femmes, est-ce que ça ne va pas à l’encontre de ce qu’elles vivront sur le marché de l’emploi? Caroline poursuit :

« Tout d’abord, il faut augmenter massivement la place des femmes en construction et ça passe par la formation, la diplomation de celles-ci. Cette mesure vise également à contrer la discrimination vécue par les femmes depuis longtemps. L’intimidation et le harcèlement sont encore présents, malgré beaucoup d’amélioration dans les dernières années. La cohorte sert à travailler l’estime de soi, à les préparer différemment pour une réalité qui n’est pas la même pour elles que pour leurs confrères masculins. Les mesures que nous mettons en place pour les femmes sont en fait créées pour égaliser les choses, pour tenter de leur donner une place, car encore aujourd’hui, les hommes sont priorisés lorsque vient l’embauche chez l’employeur. »

Mentore

Kariane Gélinas-Flageole, apprentie électricienne de classe 4, a terminé ses études en 2018 de l’EPM de Saint-Jean. Elle fait partie de l’équipe de mentors (hommes et femmes) qui accompagneront les élèves tout au cours de leur formation. Kariane a choisi de s’impliquer pour partager son expérience :

« La construction, c’est un domaine difficile pour tous! Du travail dans ce domaine, il y en a pour tout le monde, les femmes apportent des méthodes de travail complémentaires et ne devraient pas être perçues comme une menace. Souvent, il arrive qu’on ait à faire face à certains jugements et commentaires. Il y a des situations que j’ai vécues qui ne passeraient plus aujourd’hui, avec mon expérience. Cependant, il y a des façons de s’affirmer en tant que femmes et en tant que mentore, je veux partager mes trucs avec une future travailleuse de la construction, pour l’aider à faire sa place. »

La capsule vidéo que voici nous parle davantage de Kariane, de son parcours, de son implication en tant que mentore et de la réalité d’être une femme électricienne : https://youtu.be/JOsOGk9M_80.

En conclusion

En consultant le site de la CCQ — Commission de la construction du Québec, j’ai réalisé que des mythes à déconstruire sur les chantiers, il y en a encore beaucoup en 2021. Avec le PAEF 2015-2024, les principaux acteurs de l’industrie ont choisi de conjuguer leurs efforts et leurs actions pour offrir un environnement de travail accueillant et fertile à l’épanouissement des femmes. Mais n’oublions pas que finalement, le but ultime est de rendre le parcours des femmes comparable à celui des hommes, tout simplement…